Communiqué de presse concernant l'arrêt F-1389/2019

Pas de privation de liberté lors de l'assignation à un centre fédéral spécifique

Le Tribunal administratif fédéral juge que l'assignation au Centre spécifique des Verrières, prononcée par le Secrétariat d'Etat aux migrations, ainsi que les mesures imposées par l'exploitation du centre ne constituent pas une privation de liberté. En revanche, elles portent atteinte à la liberté de circuler, toutefois de manière justifiée en l'espèce. En outre, le TAF retient que l'intéressé a pu, en l'occurrence, faire valoir son droit à un recours effectif.

30.04.2020

Partager
Photo : Keystone
Photo : Keystone

Le centre fédéral spécifique pour requérants d'asile des Verrières a accueilli, entre les 3 décembre 2018 et 1er septembre 2019, des requérants d'asile dont le comportement perturbait le bon fonctionnement des centres fédéraux ordinaires. En vertu de l'art. 24a Loi sur l'asile (LAsi), un de ces requérants d'asile a été assigné pour une durée de quatorze jours au Centre spécifique des Verrières en raison de son comportement perturbateur au Centre fédéral pour requérants d'asile dans lequel il résidait. Il s'est plaint de cette assignation et des modalités qu'elle implique, soit notamment le couvre-feu, les restrictions des visites, les horaires de repas et de sortie, l'attribution de tâches ménagères et d'un dortoir, ainsi que la surveillance des locaux par des agents de sécurité. Il estime avoir été privé de sa liberté personnelle dans un lieu assimilable à un centre de détention et n'avoir pas eu accès à un recours effectif pour s'en plaindre devant une autorité indépendante.

 

Pas de privation de liberté

Dans son arrêt de principe, le Tribunal administratif fédéral (TAF) rappelle qu'une privation de liberté au sens de l'art. 5 CEDH implique que la personne concernée soit retenue contre sa volonté dans un espace limité pendant un minimum de temps. Tel n'était pas le cas du recourant, lequel jouissait d'une certaine liberté de mouvement durant son assignation au centre spécifique et pouvait en sortir en-dehors des heures de couvre-feu.

 

Restriction à la liberté de circuler conforme au droit

L'assignation au centre spécifique a en revanche constitué une restriction à la liberté de circuler de l'intéressé, au sens de l'art. 12 Pacte ONU II. Cette restriction, prévue par une loi fédérale (LAsi), justifiée par le comportement perturbateur de l'intéressé et proportionnée, n'a cependant pas violé le droit de l'Homme en question.

 

Droit à un recours effectif

Le droit à un recours effectif est, notamment, prévu à l'art. 2 Pacte ONU II. En application de l'art. 107 LAsi, l'assignation revêt la forme d'une décision incidente, attaquable uniquement dans le cadre d'un recours contre la décision d'asile finale. Si le recours devant le TAF satisfait a priori à l'exigence du recours accessible et utile devant une autorité impartiale et indépendante, l'on doit se demander s'il peut encore être qualifié d'effectif lorsque le délai d'attente entre le prononcé de l'assignation et la notification de la décision d'asile au fond se prolonge. Durant ce délai d'attente, il n'est en effet pas exclu qu'une prolongation de l'assignation, voire une nouvelle assignation soit prononcée, sans qu'il ne soit possible au requérant d'asile de s'en plaindre dans un délai raisonnable.

 

En interprétant la LAsi de manière conforme aux droits de l'Homme, le TAF considère qu'il n'est certes pas nécessaire que le requérant puisse recourir immédiatement contre son assignation; pour que son droit à un recours effectif soit garanti, il doit néanmoins pouvoir le faire dans un délai maximum de 30 jours à partir du prononcé de la mesure, délai respecté en l'espèce.

 

Dans une affaire parallèle, tranchée par arrêt F-1675/2019 du 20 avril 2020, le TAF a mis en application les principes développés dans le présent arrêt. Ces arrêts sont définitifs et ne sont pas susceptibles de recours au Tribunal fédéral.