Communiqué de presse concernant l'arrêt E-962/2019

Transferts Dublin vers l'Italie soumis à des conditions plus strictes

Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal administratif fédéral (TAF) avait déjà constaté, s'agissant de la prise en charge des familles transférées vers l'Italie dans le cadre du règlement Dublin, que les assurances données par les autorités italiennes suite à l'entrée en vigueur du décret Salvini étaient trop générales. L'arrêt E-962/2019 confirme et concrétise cette jurisprudence : le transfert des familles en Italie doit être suspendu, tant et aussi longtemps que les autorités italiennes n'ont pas fourni des garanties plus concrètes et précises sur les conditions actuelles de leur prise en charge. Le TAF étend en outre son analyse aux personnes souffrant de graves problèmes de santé et nécessitant une prise en charge immédiate à leur arrivée en Italie. Pour ces dernières, les autorités suisses doivent désormais obtenir de leurs homologues italiennes des garanties formelles que les personnes concernées auront accès, dès leur arrivée en Italie, à des soins médicaux et à un hébergement adapté.

17.01.2020

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Photo : Keystone
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Entré en vigueur le 5 octobre 2018 et adopté en tant que loi fin novembre 2018, le décret-loi 113/2018 sur la sécurité publique et l'immigration, mieux connu sous le nom de décret Salvini, a considérablement modifié le système d'accueil des requérants d'asile en Italie. En particulier, depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle législation, les personnes transférées en Italie en vertu du règlement Dublin n'ont plus accès au système d'accueil « de seconde ligne », qui était auparavant assuré au travers du système SPRAR (Sistema di protezione per richiedenti asilo e rifugiati). Ce dernier était mis en œuvre dans des centres décentralisés de petite taille et offrait des mesures d'intégration ainsi qu'une prise en charge adaptée aux requérants d'asile particulièrement vulnérables, comprenant notamment les familles et les personnes gravement atteintes dans leur santé. Suite à l'adoption du décret Salvini, les requérants d'asile – y compris les personnes transférées en vertu du règlement Dublin – sont désormais pris en charge dans les centres d'accueil de « première ligne », à savoir de grands centres collectifs gouvernementaux ou des structures temporaires d'urgence.

 

Absence de violations systémiques

Dans son arrêt E-962/2019, le TAF procède à une analyse approfondie du nouveau système d'asile en Italie et des changements législatifs intervenus depuis l'automne 2018. Il constate que le système d'asile italien comporte un certain nombre d'obstacles susceptibles d'entraver l'accès immédiat des requérants d'asile à la procédure d'asile et aux prestations d'accueil. Il relève en outre que les standards en matière d'accueil et d'accès à la procédure d'asile varient considérablement d'une région à l'autre et observe une détérioration des conditions d'accueil dans les centres d'hébergement, en particulier pour les personnes vulnérables ou nécessitant un encadrement psychologique spécifique.

 

Le TAF retient cependant que l'accès à une procédure d'asile conforme aux exigences du système Dublin est en principe garanti en Italie, même s'il est fréquemment retardé en pratique. Il en va de même de l'accès général à des conditions de vie minimales durant la procédure d'asile, et ce même si les conditions d'accueil dans les centres présentent de grandes disparités. Le TAF conclut dès lors à l'absence de violations systémiques dans la procédure d'asile et le système d'accueil en Italie, également sous l'empire de la nouvelle législation. En conséquence, il n'y a pas lieu de renoncer au transfert de tous les requérants d'asile vers l'Italie.

 

Garanties de prise en charge adéquate requises pour les familles et pour les personnes souffrant de graves problèmes médicaux

Le TAF admet néanmoins des restrictions pour les familles ainsi que les personnes atteintes de graves problèmes de santé. Pour ces groupes de personnes vulnérables, les transferts « Dublin » vers l'Italie ne peuvent être exécutés que lorsque les autorités italiennes ont préalablement fourni des garanties individuelles portant sur une prise en charge et un hébergements adaptés.

 

Cet arrêt est définitif et n'est pas susceptible de recours au Tribunal fédéral.