Communiqué de presse concernant l'arrêt B-2334/2023

L’amortissement des instruments de capital AT1 était contraire au droit

L’amortissement des instruments de capital AT1 de Credit Suisse ordonné par la FINMA en mars 2023 n’a pas de base légale. Pour cette raison, le Tribunal administratif fédéral a rendu, dans une procédure, un arrêt partiel annulant cette décision

14.10.2025

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Le Tribunal administratif fédéral a confirmé la qualité pour recourir des recourants et annulé la décision de la FINMA du 19 mars 2023. (Image: Keystone)
Le Tribunal administratif fédéral a confirmé la qualité pour recourir des recourants et annulé la décision de la FINMA du 19 mars 2023. (Image: Keystone)

Le 19 mars 2023, des représentants du Département fédéral des finances (DFF), de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), de la Banque nationale suisse (BNS) et des banques impliquées ont présenté un vaste ensemble de mesures en vue de l’acquisition de Credit Suisse (CS) par UBS. L’une de ces mesures était l’amortissement de tous les instruments de capital Additional Tier 1 (instruments AT1), pour une valeur nominale d’environ 16,5 milliards de francs. Le même jour, le Conseil fédéral a complété l’ordonnance de nécessité édictée peu avant par une disposition (art. 5a) autorisant la FINMA à ordonner à la banque concernée d’amortir le capital AT1. En se fondant notamment sur cette disposition, la FINMA a ordonné à CS, par décision du 19 mars 2023, d’amortir immédiatement tous les emprunts AT1 et d’en informer les créanciers, ce que la banque a fait.

Annulation de la décision de la FINMA du 19 mars 2023
Quelque 3000 intéressés ont recouru contre cette décision dans environ 360 procédures devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Une seule et même procédure implique donc plusieurs parties (une décision, même état de fait). L’une des particularités de ce type de procédure est que le droit d’être entendue de chaque partie s’étend aussi aux allégués et aux moyens de preuves des autres parties, si les conclusions des parties recourantes ne sont pas admises.

À titre principal, les recourants ont requis, d’une part, l’annulation de la décision de la FINMA et, d’autre part, la remise dans la situation prévalant avant l’amortissement des emprunts AT1, alléguant que celui-ci ne reposait ni sur une base contractuelle ni sur une base légale. Pour leur part, la FINMA et UBS ont en substance contesté la qualité pour recourir des recourants, estimant en outre que, le 19 mars 2023, les conditions contractuelles pour un amortissement des emprunts AT1 étaient remplies, mais aussi que l’art. 26 de la loi sur les banques (LB), l’art. 31 de la loi sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA) et l’art. 5a de l’ordonnance de nécessité du Conseil fédéral constituaient une base légale suffisante pour ordonner la mesure contestée.

Le TAF a rendu un arrêt partiel dans l’une des quelque 360 procédures de recours le 1er octobre 2025. Il a confirmé la qualité pour recourir des recourants et annulé la décision du 19 mars 2023. Le TAF ne s’est pas encore prononcé sur la question de la remise des recourants dans la situation prévalant avant l’amortissement. Les autres procédures sont suspendues jusqu’à ce que l’annulation de la décision de la FINMA entre en force.

Il n’y a pas eu d’événement déclencheur
Les instruments de capital AT1 font partie des fonds propres additionnels pouvant être pris en compte dans les fonds propres réglementaires d’une banque. Ces instruments sont généralement conçus comme des emprunts conditionnels à conversion obligatoire (contingent convertible bonds) ou, comme dans le cas présent, des emprunts assortis d’un abandon conditionnel de créances (write-off bonds). La particularité des seconds est que la banque émettrice peut les amortir lorsqu’un événement prédéfini contractuellement (événement déclencheur ou viability event) survient. Le TAF est parvenu à la conclusion que les conditions d’un amortissement n’étaient pas remplies car, au moment de l’amortissement, l’événement déclencheur prévu dans le contrat ne s’était pas produit. CS était alors suffisamment capitalisée et elle remplissait les exigences réglementaires en matière de fonds propres. Les mesures adoptées par la Confédération et la BNS servaient uniquement à garantir les liquidités de la banque et n’avaient aucun effet direct sur son capital propre au sens des conditions d’émission interprétées selon le principe de confiance.

Absence de base légale
Le TAF s’est également penché sur la question de la base légale de l’ordre d’amortir les emprunts AT1. Il a constaté une grave atteinte au droit de propriété des créanciers obligataires qui aurait dû reposer sur une base légale formelle et claire. Or, cette base légale n’existait pas. L’art. 26 LB, qui énonce des mesures protectrices en cas de risque d’insolvabilité, concerne en effet un autre cas de figure et il est de toute manière trop imprécis au regard du principe de légalité pour révoquer les droits de tiers. Il en va de même pour les art. 31 LFINMA et 5a de l’ordonnance de nécessité du Conseil fédéral. Étant donné que la décision de la FINMA du 19 mars 2023 se fonde sur l’ordonnance de nécessité, le TAF a examiné la constitutionnalité de cette dernière à titre préjudiciel. Il a constaté que l’art. 5a de l’ordonnance de nécessité viole la Constitution fédérale à plusieurs égards, notamment parce que les dispositions constitutionnelles régissant les ordonnances de nécessité édictées par le Conseil fédéral (art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Constitution fédérale, Cst.), ainsi que les exigences en matière de délégation du droit d’expropriation (art. 178, al. 3, Cst.) et de garantie de la propriété (art. 26 Cst.) n’ont pas été respectées.

Cet arrêt est susceptible de recours au Tribunal fédéral.

Contact

Rocco Maglio
Rocco Maglio

Attaché de presse