Communiqué de presse concernant l'arrêt A-4889/2024
Maintien de la dimension personnelle du principe de spécialité
Les renseignements obtenus par le biais de l’assistance administrative internationale en matière fiscale ne peuvent être utilisés qu’à l’égard de la personne concernée.

Les autorités fiscales françaises ont demandé l’assistance administrative au sujet d’un citoyen français qui déclare avoir son domicile en Suisse. Elles le soupçonnent d’être en réalité domicilié en France et de ne pas avoir déclaré tous ses comptes bancaires ouverts à l’étranger, notamment en Suisse. Le 3 juillet 2024, l’Administration fédérale des contributions (AFC) a rendu une décision accordant l’assistance administrative à la France. Un tiers, dont le nom apparaît sur les documents à transmettre, a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Il fait valoir qu’au vu de la modification récente du commentaire de l’article 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (MC OCDE), le principe de spécialité dans sa dimension personnelle risque de ne pas être respecté par les autorités françaises. Autrement dit, les renseignements transmis pourraient être utilisés par les autorités fiscales françaises également à son égard.
Modification du Commentaire MC OCDE
Le 19 février 2024, l’OCDE a publié une nouvelle version de son commentaire du MC OCDE, qui indique que les renseignements obtenus par un Etat dans le cadre d’une demande d’assistance peuvent être utilisés non seulement à l’égard la personne visée par la demande, mais aussi à l’égard d’autres personnes. Les dispositions sur l’échange de renseignements entre la Suisse et la France étant alignées sur le MC OCDE, se pose la question de l’incidence de la récente modification du Commentaire sur l’interprétation de la convention entre la Suisse et la France.
Pour résoudre cette problématique, le TAF s’appuie sur un arrêt récent du Tribunal fédéral1 , qui précise qu’en principe, c’est la version du commentaire en vigueur au moment où la convention a été conclue qui est déterminante. Dans son analyse, le TAF relève que le principe de spécialité dans sa dimension personnelle fait partie des règles fondamentales de l’assistance administrative. Ce principe ne constitue pas une notion ouverte, appelée à évoluer avec le temps. Par ailleurs, la nouvelle version du commentaire ne reflète pas une pratique suivie par les Etats parties après la signature de la convention. Cette modification ne constitue pas non plus une simple précision. Dans ce contexte, il ne peut être tenu compte de la nouvelle version du commentaire pour interpréter la convention. Le TAF maintient ainsi la dimension personnelle du principe de spécialité et admet partiellement le recours. Les renseignements transmis ne pourront être utilisés qu’à l’égard de la personne concernée et l’AFC devra informer l’Etat requérant de l’étendue de cette restriction dans sa décision.
Cet arrêt peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral dans les limites de l’art. 84a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, à savoir lorsqu’une question juridique de principe se pose ou qu’il s’agit pour d’autres motifs d’un cas particulièrement important. Il revient au Tribunal fédéral de décider si tel est le cas.
Cadre juridique L’Etat qui dépose une demande d’assistance doit indiquer l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle fiscal et ne peut utiliser les informations reçues qu’à l’égard de celle-ci. Il ne peut pas les utiliser à l’égard d’un tiers, à moins que cette possibilité résulte de la loi des deux Etats et que l’AFC autorise cette utilisation. Il s’agit de la dimension personnelle du principe de spécialité, rappelée par le Tribunal fédéral dans plusieurs arrêts récents.2 |
1 ATF 149 II 400
2 Voir notamment ATF 147 II 13 et ATF 146 I 172
Contact

Rocco Maglio
Attaché de presse